Ces dernières décennies, l’inflammation est devenue un concept central pour comprendre les maladies chroniques. Dès les années 1980, des discussions scientifiques ont commencé à reconnaître l’implication du système immunitaire dans des maladies comme l’athérosclérose. Ce lien n’a fait que se renforcer, l’inflammation étant désormais reconnue comme un facteur clé de maladies allant des maladies cardiaques à l’obésité.
L’alimentation joue un rôle crucial dans l’inflammation. Certains ingrédients la déclenchent, tandis que d’autres contribuent à la combattre. L’idée que l’alimentation puisse soit alimenter, soit réduire l’inflammation souligne l’importance de nos choix alimentaires. Ce processus implique notamment la façon dont notre alimentation interagit avec notre microbiote intestinal, influençant ainsi les réponses immunitaires dans tout l’organisme. Si l’inflammation peut être un mécanisme de défense naturel, l’inflammation chronique de faible intensité est impliquée dans de nombreux problèmes de santé. Et contrairement à des facteurs comme la pollution ou le stress, l’alimentation est un élément que la plupart d’entre nous pouvons contrôler. L’indice inflammatoire alimentaire (IIA) a été développé pour guider les choix alimentaires en fonction de leur potentiel à influencer l’inflammation.
Le lien entre l’inflammation et l’obésité
L’obésité est fréquemment associée à une série de problèmes médicaux, et l’inflammation est le fil conducteur de bon nombre d’entre eux.
L’excès de graisse, en particulier dans certaines zones du corps, favorise la libération de substances chimiques responsables de l’inflammation et du stress oxydatif. Une étude publiée en 2016 explique comment une surcharge en macronutriments dans les tissus adipeux stimule la sécrétion d’agents pro-inflammatoires comme l’interleukine-6 et le TNF-alpha, tout en réduisant l’activité de substances anti-inflammatoires utiles comme l’adiponectine.
Une étude de l’American Heart Association a mis en évidence un lien particulier entre l’inflammation et la résistance à l’insuline, une affection au cœur du diabète de type 2. Les chercheurs ont découvert que l’accumulation de graisse dans des zones comme la région périmusculaire peut perturber la gestion du glucose par l’organisme.
Les effets de l’inflammation vont bien au-delà du diabète. Elle peut contribuer à des problèmes de coagulation sanguine, au durcissement des artères, à des troubles métaboliques et à des maladies cardiovasculaires. Elle est également un facteur d’obésité sarcopénique, une maladie où l’excès de graisse s’accompagne d’une détérioration musculaire, ce qui rend les conséquences sur la santé encore plus préoccupantes.
Qu’est-ce que l’indice inflammatoire alimentaire ?
Le DII est un outil conçu pour mesurer l’influence de certains aliments sur l’inflammation et le stress biologique. Initialement introduit en 2004, puis peaufiné en 2010, cet indice s’appuie sur une analyse à grande échelle de près de 2 000 articles scientifiques publiés sur plusieurs décennies.
Le DII fournit un moyen d’estimer dans quelle mesure le régime alimentaire global d’une personne est pro- ou anti-inflammatoire, aidant ainsi les prestataires de soins de santé à encourager de meilleurs choix alimentaires susceptibles de réduire l’inflammation systémique.
Comment l’indice inflammatoire alimentaire est-il calculé ?
À chaque aliment ou nutriment est attribué un score sur le DII, qui reflète son potentiel inflammatoire. Des valeurs négatives indiquent des effets pro-inflammatoires, tandis que des valeurs positives suggèrent des propriétés anti-inflammatoires. Ce système a été inversé par rapport au système initial utilisé en 2007.
Le calcul repose sur l’impact de certains aliments sur six marqueurs de l’inflammation : la CRP, l’IL-1β, l’IL-4, l’IL-6, l’IL-10 et le TNF-α. À mesure que la recherche progresse, ce score pourrait continuer à évoluer, permettant une évaluation plus précise de l’impact de l’alimentation sur l’inflammation.
Application du DII dans la pratique clinique
Bien qu’il existe différentes méthodes d’évaluation de la qualité de l’alimentation, notamment l’Indice de saine alimentation de l’USDA, le DII offre une perspective unique en se concentrant spécifiquement sur l’inflammation. Il a suscité un intérêt croissant auprès du public, ce qui pourrait faciliter son introduction dans les discussions cliniques.
Cependant, l’intérêt général peut aussi engendrer des malentendus. Il est important que les cliniciens fournissent des explications fondées sur des données probantes et guident les patients dans le monde parfois complexe de la science nutritionnelle. Le DII permet des recommandations personnalisées qui respectent les préférences alimentaires personnelles tout en ciblant l’inflammation.
Aliments à recommander pour réduire l’inflammation
Pour accompagner les patients vers une perte de poids ou une meilleure santé métabolique, intégrer des aliments anti-inflammatoires à leur alimentation peut s’avérer une stratégie efficace. Voici une sélection d’aliments à fort potentiel anti-inflammatoire :
Curcuma. Puissante épice anti-inflammatoire, le curcuma est depuis longtemps apprécié en médecine traditionnelle. Il se mélange facilement aux soupes, boissons et sauces. Bien qu’il existe des compléments alimentaires, leur absorption peut être moins efficace et ils pourraient interagir avec les médicaments, notamment les agents de chimiothérapie.
Fibres : essentielles à la santé intestinale, elles favorisent la prolifération des bactéries bénéfiques et soutiennent la régulation immunitaire. Bien que les recommandations quotidiennes suggèrent 25 g pour les femmes et 38 g pour les hommes, même une légère augmentation s’est avérée bénéfique pour la santé. Parmi les bonnes sources, on trouve les pois chiches, les lentilles, le soja, les choux de Bruxelles et les fruits à peau comestible.
Polyphénols : ces composés végétaux offrent de nombreux bienfaits pour la santé. Présents dans des aliments comme le chocolat noir, le café, le vin rouge, les herbes, les olives et le thé, certains polyphénols favorisent également la perte de poids et la santé cardiovasculaire. Les baies contiennent de l’acide ellagique, qui pourrait même contribuer à la santé de la peau et à la régulation de la tension artérielle.
Bêta-carotène Présent dans les produits colorés tels que les carottes, le chou frisé, les épinards, le cantaloup et le jus de cassis, le bêta-carotène est facile à ajouter aux smoothies ou aux salades pour un coup de pouce anti-inflammatoire.
Magnésium. Essentiel à des centaines de réactions biochimiques, le magnésium est présent dans les graines, les noix, les légumineuses et les céréales complètes. Incorporer des graines de chia ou de courge à vos repas est un moyen simple d’en augmenter les apports.
Gingembre, ail et oignons : ces incontournables de la cuisine offrent non seulement de la saveur, mais aussi des bienfaits immunitaires et anti-inflammatoires. Le gingembre est particulièrement puissant et peut être utilisé en tisane ou en cuisine.
Vitamines D, C, E, A et B6. La vitamine D se distingue par ses effets anti-inflammatoires et est présente dans les poissons gras, les produits laitiers enrichis, les champignons et les œufs. Parmi les autres vitamines importantes, on trouve :
- C : À partir d’agrumes, de brocoli et de poivrons
- E : Présent dans les graines, les huiles et les céréales
- A : Présent dans les légumes verts, les légumes oranges et les huiles de poisson
- B6 : Présent dans la volaille, les pois chiches et les légumes féculents
Acides gras oméga-3 : ces bonnes graisses sont abondantes dans les poissons gras comme le saumon et les sardines. Les sources végétales comme le lin et les noix fournissent de l’ALA, que l’organisme convertit partiellement en EPA et DHA.
Zinc . Souvent utilisé pour réduire la durée des rhumes, le zinc soutient également le système immunitaire. On le trouve dans les crustacés comme les huîtres, les graines et les noix.
Aliments à éviter
Les aliments transformés doivent être limités dans tout régime anti-inflammatoire. Ils sont fortement associés à des maladies comme l’obésité et le diabète. Parmi les autres aliments à limiter, on trouve :
- Viandes rouges
- Desserts et collations emballés
- Produits céréaliers raffinés comme le pain blanc et les pâtes
- Articles frits
- Collations et boissons riches en sucre
- Produits contenant des gras trans (par exemple, la margarine, certains popcorns pour micro-ondes, crèmes non laitières)
Études de cas et preuves cliniques
De nouvelles études continuent de souligner le lien étroit entre inflammation et obésité. Une revue de 2023 publiée dans les Archives of Endocrinology and Metabolism indique qu’adopter un régime alimentaire évalué selon le DII peut réduire l’inflammation et favoriser la gestion du poids.
Une étude distincte de 2020 a examiné les étudiants universitaires brésiliens et a constaté que ceux dont le régime alimentaire présentait le potentiel inflammatoire le plus élevé étaient plus susceptibles d’être en surpoids ou obèses, même après avoir pris en compte le statut socio-économique.
Il existe un nombre croissant de publications soutenant le DII, et il peut être utile d’approfondir la question pour ceux qui souhaitent le promouvoir dans les milieux de soins de santé.
Considérations pratiques pour la mise en œuvre
Lorsqu’on discute de changements alimentaires, il est important de se concentrer sur chaque individu. Écoutez les objectifs et les obstacles des patients, et proposez des conseils adaptés à leurs habitudes. Si les aliments mentionnés ci-dessus constituent une bonne base, la flexibilité est essentielle. Recadrer la conversation autour du bien-être général, plutôt que du seul poids, peut contribuer à éviter la stigmatisation et à encourager des habitudes durables.
La promesse du DII
L’indice inflammatoire alimentaire offre aux professionnels de santé une méthode scientifique pour établir un lien entre alimentation et inflammation. Il enrichit les discussions sur la nutrition et la prévention des maladies chroniques. En guidant les patients vers une consommation accrue d’aliments anti-inflammatoires, les cliniciens peuvent leur donner les moyens de progresser concrètement vers une amélioration durable de leur santé.